La Chine continue d’investir l’actualité environnementale, en témoignent la récente menaces de fermeture d’usines trop polluantes, le développement des énergies renouvelables ou, moins glorieusement, une marée noire qui a révélé certaines incompétences des autorités. Le nouveau terrain de chasse de Pékin est d’un tout autre ordre, puisqu’il concerne les baguettes utilisées dans l’alimentation chinoise.
Le ministère du commerce chinois s’est ainsi lancé avec véhémence dans la lutte contre les baguettes jetables et, comme toujours dès que les autorités officielles prennent un sujet en main, elles n’y vont pas à reculons : « les entreprises qui fabriqueront des baguettes jetables devront affronter des restrictions gouvernementales au niveau local afin de diminuer l’usage de ressources jetables ». Le pays prend conscience d’un fait d’apparence futile mais qui ne l’est pas vraiment : l’impact écologique des quelque 45 milliards de baguettes produites chaque année en Chine (NDLR : dont 18 milliards pour l’export) est tel qu’il nuit à la politique nationale de reforestation de la nation. « La production, la circulation et le recyclage des baguettes jetables doit être supervisé de manière plus stricte » confirme le pouvoir central.
L’ensemble de la filière nécessite en effet l’équivalent de plus de 40 hectares de forêt par jour – soit une surface équivalente à 80 terrains de football – pour au final n’en extraire que le bois et les transformer en baguettes, selon les estimations de Greenpeace China. Au final, ce seraient entre 16 et 25 millions d’arbres qui seraient abattus chaque année pour cette seule utilisation, ce qui n’arrange en rien la question de la déforestation, l’un des problèmes environnementaux les plus complexes à gérer pour les autorités chinoises. Pékin tente en effet depuis plusieurs décennies désormais de reboiser son territoire, avec quelques résultats d’ores et déjà obtenus sur la longueur puisque d’une surface totale boisée représentant 8% du territoire chinois en 1949, ce pourcentage est aujourd’hui de l’ordre de 13%. Mais comparé aux 30% américains, ce chiffre paraît encore insuffisant aux yeux du régime.
« Bring Your Own Chopsticks »
Cette question n’est à vrai dire pas nouvelle. Plusieurs appels pour abandonner cette pratique ont déjà été lancés ces dix dernières années, et un mouvement du nom de BYOC (NDLR : pour « Bring Your Own Chopsticks », apportez vos propres baguettes) a même été lancé – bien que son audience n’augmente encore que faiblement. Greenpeace China a de son côté sponsorisé une campagne « Dites non aux baguettes jetables » en 2008, avec le soutien de Nancy Reagan. Cette opération coup-de-poing avait d’ailleurs le mérite de l’originalité : des militants déguisés en orang-outan débarquaient dans les cafétérias de grands groupes comme IBM ou Microsoft pour rappeler le péril environnemental causés par ces petites baguettes de bois.
Mais rien n’y a fait et le problème reste entier ; il faut dire qu’en Chine, l’industrie de la baguette représente pas moins de cent mille emplois. Et les baguettes réutilisables présentent deux inconvénients : elles nécessitent dans un premier temps de l’entretien comme tout ustensile de cuisine, et surtout elles ne semblent pas du tout prêtes de rentrer dans les habitudes de consommation des Chinois. La fermeté affichée par le gouvernement central pourrait toutefois amener à changer cette donne, et l’enrichissement du pays devrait amener les restaurants à investir dans ces fameuses baguettes réutilisables, incluant les équipements nécessaires pour les laver et les stériliser. Si un tel programme était amené à réussir, cela constituerait pour sûr un encouragement pour pousser la Chine à poursuivre sa politique de reforestation. Ce dont la Terre a de plus en plus besoin…