C’est la face cachée de la lutte contre les narcotrafiquants en Colombie. La fumigation des champs illégaux de coca, financée en grande partie par les Etats-Unis avec le soutien du pouvoir politique en place à Bogota, constitue un véritable désastre environnemental contre lequel 57 universitaires du monde entier ont décidé de se manifester.
A l’occasion de la prise de fonction de Juan Manuel Santos en tant que nouveau président Colombien, après sa victoire face au candidat écologiste Antanas Mockus, cet appel au secours signé par des professeurs de Grande-Bretagne, de Colombie, d’Espagne mais aussi de France nous informe du côté sombre de la lutte contre le narcotrafic, l’une des priorités de la politique colombienne depuis maintenant plusieurs dizaines d’années. En digne successeur d’Alvaro Uribe, réputé inflexible sur ce point, il y a fort à parier que peu d’évolutions sont à attendre du nouveau chef d’Etat sur le plan de la lutte contre la drogue.
Les effets secondaires de ces actions sont pourtant loin d’être minimes, comme le rappellent ces 57 experts. La diffusion de produits chimiques par voie aérienne, essentiellement des herbicides, a pour but premier d’anéantir les cultures de coca. C’est d’ailleurs l’un des points-clés de ce programme de lutte appelé Plan Colombia, dans lequel les Etats-Unis ont déjà investi plusieurs milliards de dollars. Elle en fait malheureusement beaucoup plus et serait aussi un facteur important de dégradation de la biodiversité régionale. La forêt tropicale a été la première à souffrir de ces techniques, tandis que les rivières se sont retrouvées irrémédiablement polluées.
La faune, la flore… et les habitants
Il n’y a toutefois pas que la faune et la flore qui pâtissent de ces fumigations. Les communautés noire et indigène qui vivent dans ces territoires sont également directement touchées, alors même qu’elles se sont battues pendant de nombreuses années pour préserver la biodiversité de la région, comme en atteste le projet Proyecto Biopacifico, soutenu et financé par la Banque Mondiale entre 1992 et 1998. Victimes de ces déversements aveugles de produits chimiques, de nombreux habitants souffrent de crise d’asthme et de maladies de peau, et de très nombreux cas de malformations congénitales ont été rapportés.
Give Us Names, un groupe d’anciens camarades de lycée de Gainesville, dans l’Etat américain de Géorgie, s’est rendu sur place pendant plusieurs semaines pour témoigner de l’état de panique dans lequel vivent les habitants de la région. Ces derniers sont contraints à un exil permanent, comme l’atteste l’un des membres de cette expédition Michael Christmas : « Dès que les avions sortent et qu’ils aperçoivent un terrain de coca, ils bombardent la montagne entière ». Et quand bien même la cible initiale est atteinte, les drames humains s’ajoutent au cataclysme écologique. Les habitants sont obligés d’abandonner les terres sur lesquelles ils développent bien plus souvent l’agriculture vivrière que les champs de coca. « Quand nous avons vu comment tous ces dollars étaient utilisés, nous étions alors assurés que les Américains avaient besoin de savoir cela » rapporte M. Christmas. Avec l’appel lancé par ce groupe des 57, c’est même au-delà de l’Atlantique que le côté sombre de Plan Colombia apparaît. A Juan Manuel Santos d’agir en conséquence alors même que 2010 est censé être l’année mondiale de la biodiversité sans quoi, déclare l’appel, « l’Histoire ne l’absoudra pas ».
par Gwendal Perrin, Lundi 9 août 2010