PEKIN — Les glissements de terrain ayant fait plus de 1.700 morts ou disparus dans le nord-ouest de la Chine sont la conséquence d’un développement économique effréné qui a fragilisé l’environnement et n’est plus tenable, soulignent des experts.
Les défenseurs de l’environnement lancent régulièrement des mises en garde contre la déforestation, la construction de routes ou de barrages hydro-électriques à tout va, souvent à l’initiative d’autorités locales.
La tragédie de Zhouqu, épicentre des coulées de boue dans la province du Gansu, « reflète les défis et les risques que la croissance amène aux régions pauvres », a déclaré à l’AFP Li Yan, responsable de Greenpeace Chine chargé des questions liées à l’énergie et au changement climatique.
« Les autorités locales sont sous pression pour éliminer la pauvreté et développer l’économie, un processus au cours duquel l’environnement se dégrade », poursuit ce militant.
Les autorités assurent que les récents glissements de terrain sont une catastrophe naturelle provoquée par des pluies torrentielles, mais même les médias officiels chinois s’interrogent sur les responsabilités humaines dans cette tragédie.
« La construction de petits barrages hydro-électriques, l’exploitation minière et la construction de routes ont gravement affecté l’écosystème et augmenté les risques de glissements de terrain », relève ainsi le quotidien National Business Daily.
Il y a plus de mille barrages hydro-électriques le long de la rivière Bailong, qui baigne Zhouqu, selon Zhang Qirong, un responsable du bureau local des Eaux et Forêts cité par le journal. Durant le week-end, des tonnes de gravats tombés de la montagne ont obstrué le cours de la Bailong, inondant la région.
Après trois décennies d’industrialisation à marche forcée, la Chine compte aujourd’hui de nombreuses villes et cours d’eau parmi les plus pollués de la planète.
Conscient de cette dégradation, le gouvernement chinois s’est engagé à améliorer l’efficacité énergétique et a récemment annoncé un plan de fermeture de 2.000 usines parmi les plus polluantes du pays.
« Il y a une meilleure prise en compte de la qualité de la vie, de la protection de l’environnement et du consommateur, et les Chinois sont prêts à en payer le prix », affirme Patrick Chovanec, professeur à l’Ecole d’économie et de gestion de l’Université Tsinghua à Pékin.
Les glissements de terrain du Gansu s’ajoutent à d’autres calamités environnementales récentes, comme l’explosion d’un réservoir du terminal pétrolier de Dalian (nord-est) le mois dernier, qui a provoqué une grave pollution en mer Jaune.
Cependant, en dépit de l’augmentation du nombre d’accidents écologiques –officiellement en hausse de 98% sur le premier semestre de cette année–, la Chine a fait des progrès substantiels en matière de protection de l’environnement, affirment des experts.
« Ils évoluent et commencent à faire des progrès sur diverses substances polluantes, mais il y a du pain sur la planche », estime Deborah Seligsohn, directrice du programme Chine du centre de recherche américain World Resources Institute.
S’il est difficile de réduire les émissions avec plus de 10% de croissance annuelle, « les revenus augmentent et les Chinois trouvent qu’ils peuvent se permettre de dépenser plus pour l’environnement… ce qui est un bon signe », selon elle.
Un changement de mentalité reste cependant nécessaire. « Les responsables locaux sont récompensés quand ils attirent des investissements et optimisent la croissance et c’est ce qui les motive. Alors qu’ils ne sont punis que si un accident (environnemental) provoque de l’embarras ou des morts », regrette M. Chovanec.
Copyright © 2010 AFP. De Allison JACKSON (AFP) 13/08/2010